Saint Tropez est né Caïus Silvius Torpetius, à
Pise (Toscane), dans une famille patricienne. Brillant officier, il fut
choisi par l'Empereur Néron comme intendant de son palais.
Converti par Saint Paul, dont il avait assuré la
garde, Torpetius fit une profession de foi solennelle lors d'une fête
organisée par l'empereur, lequel ordonna sa mise à mort. Les fauves se
couchèrent à ses pieds ; la colonne à laquelle il fut attaché
pour être flagellé se brisa et tua le bourreau ; pour en finir on
le décapita. (La tête de Torpetius est encore conservée dans une
chapelle à Pise qui lui est dédiée ; chaque année un groupe de
tropéziens s’y rend en pèlerinage le 29 avril, date de sa mise à
mort.) Le corps fut mis dans une barque avec un coq et un chien, à
l’embouchure de l’Arno. Poussée par le courant ligure, sa cargaison
miraculeusement épargnée, la barque vint s’échouer, le 17 mai de
l’an 68, sur le rivage qui allait prendre plus tard le nom de
Saint-Tropez.
Bien avant cet événement, en 599 avant J.C., les
Phocéens s’installent à Marseille. Ces hellènes originaires d’Asie
Mineure vont créer un chapelet de stations de mouillage en Méditerranée,
pou assurer la navigation entre leurs comptoirs de commerce. Parmi ces
mouillages était l’antique Athenopolis situé (peut-être même à
l’emplacement de Saint-tropez) dans ce golfe aligné d’Est en Ouest,
qui constitue un refuge naturel pour les navigateurs. En 154 avant J.C.,
les Massaliotes, aux prises avec des peuplades ligures belliqueuses,
appellent Rome au secours. La romanisation de la Gaule allait commencer.
Suite à la bataille d’Actium en 31 avant J.C. et la sédentarisation
d’une partie de la 8ème Légion à Forum Julii (Fréjus),
les romains développent leur colonisation de la presqu’île de
Saint-tropez, avec l’implantation de « villas » tout au
long du premier siècle de notre ère. (La villa dite « des
Platanes » à Saint-Tropez en fut un bel exemple, et a fait
l’objet d’un ouvrage publié par le Centre Archéologique du Var).
De cette époque date le nom de Heraclea, revendiqué par Saint-Tropez.
Vers la fin du 9ème siècle, après le
chaos et à l’obscurité qui a suivi la chute de l’Empire Romain, on
relève la présence de pirates et de pilleurs sur la presqu’île de
Saint-Tropez. Les exactions perpétrées par ces envahisseurs auraient
duré près de cent ans, et ont été attribuées par la mémoire
collective aux Sarazzins. Sans doute abusivement ; même s’il est
attesté qu’une poignée de pirates sarazzins en provenance d’Espagne
ou d’Afrique du Nord ont trouvé refuge ici après une tempête et
qu’une partie de la presqu’île figure sur une cartographie arabe de
l’époque. Il était commode par la suite d’attribuer ces troubles
à un ennemi précis, alors que dans cette période d’anarchie des
groupes d’homme armés de toutes sortes sillonnaient la Provence et
ses côtes.
La tradition veut que Guillaume d’Arles « Le
Libérateur », chassa les derniers sarazzins en 972. Il a fait
construire en980 une tour sur l’emplacement actuel de la Tour Suffren
– signe de son autorité nouvelle et avertissement aux récalcitrants.
Les Vicomtes de Marseille, qui avaient participé
à la reconquête, reçurent en donation de Guillaume la région du
Freinet (le Fraxinetum romain). A leur tour, ils donnèrent beaucoup de
terres à l’Abbaye de Saint-Victor de Marseille. C’est ainsi que les
premières références à Saint-tropez se trouvent vers le milieu du XIème
siècle dans les archives de l’Abbaye – le Cartulaire de
Saint-Victor. Ces textes mentionnent une église dédiée à
Saint-Tropez (« ecclesia Sancti Torpetis ») et un »castrum »,
qui signifiait dans le latin de l’époque le chef-lieu d’un domaine
seigneurial. L’existence de ce castrum est confirmée dans plusieurs
bulles pontificales entre 1079 et 1218.
A partir de 1436, le Comte René 1 (le
bon Roi René) exerce son autorité pour relever et repeupler une
Provence décimée par les luttes pour le pouvoir, les incursions des
barbaresques, et par la peste.
En 1441 il crée la Baronnie de Grimaud, au bénéfice
de son chambellan Jean de Cossa. Celui-ci comprit que l'on pouvait
assurer durablement l'essor du Val Freinet qu'en verrouillant son point
faible ; le Golfe. Il choisit le site de «la Tour » de
Saint-Tropez pour y élever une cité fortifiée. Cette entreprise fut
concrétisée en 1470 par la transaction entre Jean de Cossa et Raphaël
Garezzio di Pornassio, établissant une « terre de convention et
de privilèges », et par laquelle de Garezzio, avec une
soixantaine de familles originaires pour la plupart de Gênes,
s’engagea à « habiter et faire habiter par des étrangers le
lieu de Saint-Tropez à condition que les habitants soient francs,
libres et exempts de tout impôt ; de fortifier ce lieu et de défendre,
et de garder fidèlement tout le golfe et le rivage avoisinant depuis
Sainte-Maxime jusqu’à Cavalaire.
Ainsi est née une entité autonome, dont les
privilèges seront confirmés par tous les rois de France jusqu’à
l’abrogation de l’acte de franchise par Louis XIV en 1672. Les
dispositions de la franchise seront consolidées en 1558 par la création
de la charge de Capitaine de Ville, par l’efficacité de « l’armée »
tropézienne, et par la bienveillance de Henri IV, pour qui les tropéziens
avait pris fait et cause. (Pour l’anecdote, rappelons que Marie de Médicis
fit escale à Saint-Tropez en 1600, en route vers son mariage. On lui
offrit une branche de corail péchée au large de la Moutte).
A partir du XVIIème siècle, Saint-Tropez a su
prospérer en développant ses activités tout en participant à la défense
du Royaume, pendant la guerre de succession espagnole et pendant la
Fronde notamment. Jusqu’à la deuxième moitié du XIXème siècle,
les tropéziens ont joué un rôle des plus dynamique dans le commerce
en Méditerranée, avec leurs chantiers navals, leurs activités
portuaires et agricoles. Les marins et navigateurs formés ici étaient
très appréciés par les gens de la mer et par la marine de guerre. Le
plus illustre de tous fut Pierre-André de Suffren, dont la statue
honore le Vieux Port, ami de son roi Louis XVI, et dont Napoléon
regrettait de ne pas l’avoir à ses côtés pour combattre Nelson.
Au XIXème, on voit encore s’y développer de façon
significative les activités liées à la marine :
on y construit en 1860 « La Reine des Anges », un trois-mâts de 740
tonneaux qui sera le fleuron de la Marine Marchande. Ce fut aussi un
navigateur et commerçant tropézien qui ouvrit le premier Comptoir à
Madagascar.
A partir de l’avènement des bateaux à vapeur,
s’annonce le déclin des activités maritimes et commerçantes.
Cependant il y avait encore plus de 200 capitaines au long cours,
capitaines marchands et patrons-pêcheurs à Saint-tropez à la veille
de la première guerre. Entre les deux guerres, le développement considérable
de l’usine de torpilles surtout, et à un moindre degré les activités
qui ont pu être créées grâce au « petit train des pignes »
ont permis un regain de prospérité. Les prémisses de l’essor et de
la renommée touristique de Saint-Tropez sont apparues, avec
l’ouverture des cafés sur le port et de nouveaux hôtels, et l’intérêt
pour le village qu’éprouvent l’intelligentsia parisienne et les élites
européennes. Enfin, avec le débarquement des armées alliées en août
1944, Saint-Tropez eut le privilège d’être la première ville libérée
en Provence.
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