Né à Marseille le 2 juillet 1825 et orphelin de mère à l'âge de huit ans,
Émile Ollivier
connaît une enfance difficile en Provence puis à Paris, son père, Démosthène, ardent
républicain, manifestant peu de dons pour les affaires commerciales qu'il dirige.
Après ses études de droit, Émile Ollivier s'inscrit au barreau de Paris puis, grâce aux
relations paternelles, est nommé, le 27 février 1848, commissaire du gouvernement
provisoire de la République pour les départements des Bouches-du-Rhône et du Var.
De Marseille, où il a dû faire face aux émeutes de juin et connu ses premiers émois
sentimentaux, il est muté à la préfecture de la Haute-Marne au début de juillet 1848,
ce qui équivaut à une semi-disgrâce, puis révoqué en janvier 1849.
Rendu à la vie privée, Émile Ollivier commence véritablement sa carrière d'avocat en
1850 et mène d'abord une vie austère et peu fortunée. Ses premiers succès dans des
affaires délicates face aux ténors du barreau (notamment le procès de la marquise de
Guerry contre la communauté de Picpus défendue par Berryer) le font connaître et lui
apportent l'aisance. D'abord farouchement hostile à l'Empire qui a exilé son père, il
est élu député républicain de Paris en 1857 puis 1863 et appartient au fameux
groupe des cinq, malgré son peu de sympathie pour certains de ses collègues. En
octobre 1857 à Florence, il épouse la fille de Liszt et de Marie d'Agoult, Blandine, qui
mourra en 1862 après lui avoir donné un fils, Daniel.
Le député de Paris va s'imposer rapidement au Corps législatif par son éloquence et
son refus de toute opposition intransigeante, attitude qui le met vite en délicatesse
avec ses amis de la gauche républicaine. Se proclamant libéral plus qu'authentique
républicain, Ollivier commence à rêver de réconcilier l'Empire avec les libertés
publiques et de transformer progressivement le régime en une monarchie
constitutionnelle, seul moyen, estime-t-il, d'épargner une nouvelle révolution violente
au pays. Dès le début des années 1860 il pratique une opposition " ouverte " et sa
désignation par Morny comme rapporteur de la loi sur les coalitions au printemps
1864 marque sa rupture définitive avec les républicains. L'année suivante, il
rencontre pour la première fois l'empereur qui, en 1867, songera sérieusement à
l'appeler aux affaires.
Rejeté aux élections de 1869 par les républicains, Ollivier est battu à Paris mais élu
dans le Var dont il est déjà conseiller général. Le 23 septembre, il épouse Marie-
Thérèse Gravier, jeune fille de dix-neuf ans qui lui vouera dans la vie comme dans la
mort un véritable culte. Au même moment commence avec Napoléon III une délicate
négociation qui se conclut le 27 décembre, quand l'empereur charge officiellement
Ollivier de former un ministère libéral. Ce dernier est constitué le 2 janvier 1870 et,
sans autre titre que celui de ministre de la Justice et des Cultes, Émile Ollivier y
exerce de fait une très large prépondérance, limitée toutefois par l'autorité du
souverain, notamment en matière diplomatique et militaire, ce qui ne sera pas sans
conséquences. Le 7 avril, il est élu à l'Académie française, au fauteuil de son cher
Lamartine.
Émile Ollivier veut sincèrement la paix, mais il est entraîné par l'affaire de la
candidature Hohenzollern et déclare accepter la guerre avec la Prusse " d'un cœur
léger " (19 juillet). Cette formule veut seulement dire que son gouvernement a tout fait
pour éviter le conflit, mais elle est maladroite et sera inlassablement reprochée à son
auteur, vite devenu un bouc émissaire commode. Après le départ de l'empereur pour
l'armée, Ollivier doit affronter la double opposition des républicains et des
bonapartistes hostiles à l'Empire libéral ; non soutenu par l'impératrice régente, qui ne
l'aime pas et ne s'en cache guère, il est rapidement renversé par la coalition des
extrêmes (9 août) et part pour un long exil en Italie, à Pollone et Moncallieri (1870-
1873). Sa carrière politique est terminée et ses diverses candidatures dans le
département du Var, où il réside habituellement, n'auront aucun succès (1876-1886).
Dès lors et jusqu'à la fin de sa longue vie, Émile Ollivier va plaider sa cause avec une
opiniâtreté impressionnante, tout en affichant une grande sérénité sur le jugement de
la postérité et en réglant quelques comptes avec les personnes qu'il n'aime pas
(Thiers, notamment, et ses anciens amis républicains). Tout son effort vise à montrer
que l'Empire libéral constituait la vraie politique dont la France avait besoin, que la
guerre avait été voulue de longue date et provoquée cyniquement par Bismarck, que
la révolution du 4 septembre était à la fois un crime et une faute, et que la Troisième
République restait un régime illégitime tant qu'un nouveau plébiscite n'infirmait pas
celui de mai 1870. Au fil des ans, toutefois, son argumentation va se durcir et il
défendra de plus en plus l'Empire en tant que tel (le premier et le second), comme le
meilleur gouvernement possible pour le pays, allant même jusqu'à absoudre la
candidature officielle (" un jeu d'enfant ") qu'il avait jadis si âprement condamnée. De
ce labeur sortent notamment les dix-sept volumes de l'Empire libéral, ouvrage qui, en
dépit de son titre, retrace toute l'histoire du régime depuis ses origines et reste
aujourd'hui encore un témoignage essentiel pour les historiens. Émile Ollivier meurt
brusquement à Saint-Gervais le 20 août 1913, à l'âge de quatre-vingt-huit ans.
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